Le terme épiphanie, du grec « epiphaneia » (Ἐπιφάνεια) , littéralement « apparition », se traduit également par « manifestation ».
Employé en tant que vocable, pour décrire la visite solennelle d’un roi dans une ville, ce mot exprime tout événement exceptionnel, donnant lieu à des illuminations, mais aussi à des fêtes et des réjouissances.
Dans la tradition chrétienne, la fête de l’Epiphanie célèbre, selon cette même dénomination, celui qui se manifeste dans sa gloire, celui qui selon Luc (1-68) vient visiter son peuple.
Fixée aux environs du 11ème siècle au 6 janvier, cette date fut à l’origine instituée en Orient pour marquer une double célébration, celle de la Nativité et celle de l’Epiphanie.
Cette solennité des orientaux, supplantait à une date identique l’intégralité des rites, associés chez les égyptiens à la crue du Nil, temps ou l’on puisait avec faste et splendeur l’eau du fleuve bienfaiteur.
Elle intégrait également la grande fête païenne du soleil, qui chez les romains marquait avec grandeur et exaltation le solstice d’hiver, instant transcendant du « Sol invictus » ou la lumière triomphait des ténèbres.
L’Orient chrétien, en reprenant à son compte l’ensemble de ces thèmes symboliques, christianisera le 6 janvier par la célébration de l’Epiphanie, à la fois fête du premier jour de l’an nouveau, mais également commémoration du baptême du Christ, et évocation du miracle de l’eau changée en vin aux Noces de Cana.
Initialement, l’Occident adopte la date orientale de Noël, mais à partir du 4ème siècle, il optera pour le 25 décembre.
Dans l’Eglise Orthodoxe, le 6 janvier demeurera l’un des temps forts du calendrier liturgique en associant à cette date la bénédiction des eaux et le baptême, signe de renaissance.
Par contre, l’Eglise Latine, en fixant plus particulièrement son attention sur les Mages, fruit de l’évolution de sa tendance populaire, s’attachera principalement à l’aspect second de l’Epiphanie.
Le 6 janvier deviendra la fête des rois.
Il n’en demeure pas moins que le récit de la Manifestation de Jésus Christ aux Rois Mages venus l’adorer traduit ésotériquement pour le chercheur de vérité l’Epiphanie de Dieu, c’est-à-dire :
· La manifestation glorieuse du Verbe,
· La Lumière en son commencement,
· L’Universalité en sa finalité.
Cette trilogie de principes dévoile et révèle l’Epiphanie comme l’alpha et l’oméga de toute réintégration à l’Unité.
Les Rois Mages en Galilée en scellèrent le Secret.
Leur histoire est un savant et subtil mélange de faits réels et légendaires.
Dans la Bible, on ne retrouve en tout et pour tout que seize phrases y faisant allusion et seul Matthieu (2-1-12) narre leur venue dans la grotte de la Nativité en la ville Bethléem.
Ce sont les apocryphes, textes postérieurs de 1 siècle aux évangiles, plus prolixes sur le sujet, qui apportent le plus d’information et de renseignements sur la singulière aventure de ces rois de l’Epiphanie.
Les Rois Mages demeurèrent toujours porteurs de ce merveilleux, dont l’imagination populaire nourrit le sentiment religieux.
Dès le 14ème siècle, « l’adoration des Mages » était devenue l’une des scènes les plus représentatives de la tradition chrétienne.
L’iconographie médiévale, mais aussi un grand nombre d’ouvres picturales, en portent le plus sur témoignage.
Les clercs d’église eux-mêmes, sans doute inspirés par les conteurs populaires, nous ont légué de multiples récits relatant leur histoire, prouvant par la même le vif intérêt suscité par les trois rois.
Selon la version chrétienne officielle, les Mages, avertis de la naissance de Jésus par une grande étoile, furent des lors guides jusqu’a Bethléem.
Ils portaient en offrande des dons précieux : de l’encens, de l’or et de la myrrhe.
L’évangile ne fixe pas le nombre des Mages, mais la tradition avec Origène admet depuis le début de l’ère chrétienne qu’ils étaient trois. Quasiment à la même époque Tertullien en fera des rois conformément à la prophétie d’Isaïe (60-3) : « les nations vont marcher vers ta Lumière et les Rois vers la clarté de ton lever. »
Dans leur traduction, les noms de Melchior, Balthazar et Gaspard sont d’origine orientale.
« Ex oriente lux », dans sa formulation semble plutôt indiquer ici, dans sa symbolique première, le siège de la Lumière incréée.
Le levant, ce lieu où la lumière originelle commence à paraître, le levant, cet espace sacre d’ou émerge le point central de la spiritualité.
Celui du nombre des Mages, dont le mot lui-même, dans sa sémantique Maga en persan, et Mag en hébreu, signifie « Don » au sens de « Révélation ».
Le prophète prédisait la venue du sauveur du monde.
Son texte fondateur annonçait que :
« A la fin des temps, au moment de la dissolution qui les termine, un enfant sera conçu et formé avec tous ses membres dans le sein d’une vierge, sans qu’un homme l’ait approché.
On verra une étoile brillante au milieu du ciel, sa lumière l’emportera sur celle du soleil.
Quand se lèvera l’astre dont j’ai parlé, que des courriers soient envoyés par tous, charges de présents pour l’adorer et lui faire offrande. »
A la prophétie de Zoroastre s’associe une légende plus archaïque.
Adam, chassé du paradis, avait trouvé refuge dans une caverne creusée au flanc du Mont Victoriel, aux confins de l’Iran et de l’Afghanistan aujourd’hui.
Il aurait, en ce lieu privilégié, caché les seuls trésors sauvegardes après sa chute : de l’encens, de l’or et de la myrrhe.
C’est sur cette montagne que les Mages, hommes très versés en astrologie, scrutaient de saison en saison dans l’espace céleste, la manifestation de l’Astre prévue par le prophète.
Lorsque apparut l’Etoile, ces maîtres initiés firent aussitôt prévenir les Rois qui régnaient sur l’Orient.
Ils étaient trois, se partageant les terres d’un Orient qui n’obéit pas exactement à la rigueur géographique de notre temps.
Le premier, Melchior, étendait sa domination sur la Nubie et l’Arabie.
Le second, Balthazar, régnait sur l’antique royaume de Saba.
Le troisième, Gaspard, dominait les terres du pourtour de la Perse.
Telle est apparemment transmise par la légende, la souveraineté de ces trois Rois qui vont, chacun de leur côté, se mettre en route, pour marcher ensemble vers la Palestine, à la rencontre de l’unité symbolisée par l’enfant Roi.
La tripartition géographique pourrait symboliser les trois plans de l’homme :
CORPUS – ANIMUS – SPIRITUS
Dans l’avancée sur cette voie royale, la quête spirituelle des Rois de l’Epiphanie est une aventure aux jalons hautement symboliques.
Le Moyen Age, dans la représentativité de ces mages, en a eu, au-delà du pittoresque populaire, profondément conscience.
Le Trois décrit l’homme dans les trois ages de sa vie.
Melchior a la longue barbe est le vieillard a cheveux blancs.
Balthazar dans la plénitude de sa maturité porte barbe noire.
Gaspard, l’adolescent imberbe débute son périple terrestre.
Par les trois couleurs différentes de leur peau, ils incarnent également les trois branches de l’humanité, issue des fils de Noé : Japhet – Sem – Cham.
En eux, réside manifestement l’universalité de l’espèce humaine toute entière.
Le message qu’ils transmettent est tout aussi évident
Chacun, en étant tout d’abord revêtu d’un long manteau, indiqué clairement par le port de ce vêtement symbolique leur quête de la sagesse.
De plus, la teinte dominante de leurs habits, noir pour le premier, blanc pour le second, et rouge pour le troisième est des plus intéressante…
En arrivant à Bethléem, au lieu de la naissance, dans le sein de la crèche, ils parviennent jusqu’au cour de la matière, au point central ou se cache le petit Roi, que les adeptes d’Hermès appellent « Regulus », l’or de la pierre philosophale.
Se prosternant, en signe d’hommage et d’adoration, ils offrent les présents, messages éloquents de ce qu’ils voient en cet enfant :
· La myrrhe, métaphore du sacrifice.
· L’or, emblème de la royauté.
· L’encens, symbole du sacerdoce.
Guillaume Apollinaire, dans son ouvre poétique, sublimera cet instant magique en écrivant pour l’homme banal que nous sommes : « Nous ne portons pas pour beaux présents la myrrhe, l’or et l’encens mais le sel, le soufre et le mercure. »
Sur ce sentier souvent fleuri d’erreurs, gardons en mémoire le récit du vénitien Marco Polo relatant dans un de ses carnets de voyage une légende transmise par un lointain pays d’Orient.
Elle raconte que l’enfant, après avoir reçu les trois offrandes donna aux trois Rois une boite close.
Regagnant leur contrée d’origine, les Mages l’ouvrirent.
Elle contenait une pierre.
Sur cette voie du retour, au milieu du chemin, (le « nel mezzo del camine » de Dante), une pierre brute…
Et s’il m’était donné, en ce début d’année, de formuler un voeu, je nous souhaiterais en ce 6 janvier 2025, que cette pierre se taille, afin de devenir le caillou blanc de l’Apocalypse (2-17) donné à celui qui vaincra.
Sur ce caillou blanc s’inscrit un nouveau nom que nul ne connaît sinon celui qui le reçoit.
Nous sommes le seul et unique ennemi de nous-mêmes. Vaincre, c’est nous vaincre, en acceptant de vivre à ce qui nous fait mourir.
Dans ce « De Profundis » se retrouve et s’inscrit le nom de celui qui « Est ».
Melchior, Balthazar, Gaspard, 2 025 ans nous séparent, mais votre légende, dans toute la magnificence de son Epiphanie, emplit mon coeur d’espérance.
Au début du mois de janvier, il n’est pas rare de faire le bilan de l’année écoulée tout en se projetant vers ce que nous réserve la nouvelle, animés de multiples espoirs. Mais savez-vous que le mot « janvier » nous vient de Janus, le dieu romain des commencements et des fins ?
Gardien des portes du ciel
Dans la mythologie romaine, Janus était le dieu de la transition – des fins, des commencements, des entrées, des sorties, et des passages. Le nom de Janus (Ianus, en latin, puisque l’alphabet ne comporte pas de J) est relié étymologiquement au terme ianua, la porte, et Janus est lui-même désigné comme le ianitor – le gardien des portes du ciel.
La statue cultuelle de Janus le montrait barbu, doté de deux têtes (bifrons) pour signifier qu’il pouvait voir à la fois devant et derrière lui, mais aussi l’intérieur et l’extérieur, le tout sans bouger. Il tenait un bâton dans la main droite, afin de montrer la bonne route aux voyageurs, et une clé dans la main gauche, afin d’ouvrir les portes.
Je vous souhaite une bonne année …
Auteur Gilles Escanilla – Président & Ludovic Beyan